La triste affaire de maltraitance sur des personnes vulnérables au sein de l’hôpital de Gisors est malheureusement édifiante à plus d'un titre. Et s'il est tout à fait juste que les autorités rappellent que ce genre de faits précis (photos dégradantes) est exceptionnel, la maltraitance ordinaire est une réalité, et ce pour des multiples raisons.
Le premier aspect est sociétal: il conjugue la dévalorisation des plus anciens dans un monde où l'on cultive la jeunesse éternelle et artificielle tandis que l'on assiste à la montée de toutes les formes de transgression et d'irrespect. Ainsi la personne âgée a perdu son statut emprunt de sagesse pour être rangée dans la catégorie des encombrants.
Le deuxième point est structurel puisqu'il est particulièrement lié aux reformes du secteur sanitaire et médico-social des dernières années. Depuis les 35 H jamais compensées en effectif jusqu'à la réforme indigne HPST dite Bachelot qui divise les forces en mettant en concurrence les services entre eux, le secteur "personnes âgées" demeure le parent pauvre de la Santé et, comme le rappelait hier l'Association des Directeurs au service des Personnes Agées (AD-PA): "la bientraitance dépend avant tout du temps passé auprès des personnes et donc du nombre de professionnels"
Le dernier est conjoncturel. Il relève du reclassement professionnel massif qui a vu les emplois industriels perdus se tourner vers les services à la personne et renforcer les rangs de la formation classique mais aujourd'hui galvaudée afin de sortir des bataillons d'auxillaires de vie et d'aide-soignants pour prendre en charge les anciens qui se multiplient tels les petits pains. Malheureusement, la formation dispensée à grande échelle ne permet pas de répondre à toutes les spécificités de prises en charge notamment les pathologies démentielles et, le billet d'entrée à l'école vaut souvent validation du diplôme sans l'écremage nécessaire.
Un dernier mot sur la révélation tardive de cette affaire. Les actes de maltraitance petits ou grands sont par essence des actes honteux et qui sont volontairement cachés tant par les auteurs que par la hiérarchie qui craint une mauvaise "publicité". Rien d'étonnant alors que l'immense majorité des plaintes de familles ou d'agents à l'encontre d'autres professionnels demeure sans suite.